lundi 14 décembre 2009

Quand l'autisme fait rage


Avec la mort du petit James Delorey, autiste de sept ans retrouvé en Nouvelle-Écosse, deux jours après sa disparition, dans un état d’hypothermie grave, de nombreux sentiments de révolte émergent en moi comme tous les jours depuis plus de quatre ans. Notre fille de sept ans, verbale, présente un trouble envahissant du développement apparenté à l’autisme accompagné d’un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité, trouble anxieux sévère et traits obsessifs-compulsifs, hypotonie généralisée, troubles, à prime abord, plutôt normaux lorsque l’on parle d’autisme et de troubles envahissants du développement (TED). Toutefois, depuis quelques semaines, son visage a changé bizarrement. Elle n’est plus à même de sourire comme avant, preuves à l’appui (photos, vidéos). Elle qui avait tellement progressé depuis des mois, se remet soudainement à refaire des crises épouvantables, à régresser, à éprouver de la difficulté à parler, à articuler par moment, voire à prononcer des mots même si le neurologue consulté soutient qu’il comprend très bien ma fille, LUI, lorsqu’elle parle. Désolée, je ne suis pas docteure; je ne suis que maman. En fait, à bien y penser, je suis une mère enragée; une hystérique finie. Notre enfant en vient jusqu’à se tenir la bouche pour parler quand ces étranges épisodes surviennent, car elle affirme « vouloir parler correctement » ! Hospitalisée la semaine dernière, les neurologues se questionnent à savoir si elle est épileptique ou non ou si elle a été victime d’un possible AVC. On lui prescrit de l’aspirine. Quatre jours plus tard, après avoir attendu 7 heures dans une chambre pour voir le fameux neurologue, en quelques minutes et rapidement, on lui prescrit du frizium pour prévenir de possibles crises d’épilepsie, avec pour effets secondaires, de l’endormissement, alors qu’elle est toujours épuisée et dort souvent en classe. Et voilà ! C’est réglé ! On me dit de revenir dans un mois et on verra. Vais-je rendre mon enfant légume en plus de tout cela pour le temps des Fêtes ? Pourquoi ne peut-elle plus sourire comme avant, bave de façon imprévisible, se frappe le visage et tire sur sa joue quand elle ne peut plus lire normalement une histoire à sa petite sœur parce qu’elle ne comprend pas ce qui lui arrive ? Que dois-je lui dire ? Expliquez-moi, svp ! On me dit que cela est dû à de l’apraxie (impossibilité à effectuer certains mouvements) et possiblement à son autisme. Ah bon ! Avez-vous des articles scientifiques à ce sujet, monsieur le Docteur ? La vérité, c’est que vous n’avez pas le temps d’investiguer davantage et que personne, au fond, ne sait vraiment et ne détient la réponse, parce que les électroencéphalogrammes, les scans, les prises de sang et tout le reste ne démontrent rien d’anormal. Et pourtant ! Je sais que ma fille ne va pas bien. Puisque je suis encore seule à me battre dans ce système de santé digne d’un roman kafkaesque, j’essaie de joindre un orthophoniste pour dresser un portrait de mon enfant en vue de l’aider moi-même à faire de la réadaptation pour pouvoir retrouver un facies qui lui ressemble. Hé bien, que des listes d’attente en vue, souvent fermées, étant donné la pénurie de ces spécialistes si recherchés. Je passe des heures au téléphone depuis des jours, comme lorsque nous étions en attente du diagnostic d’autisme pour me faire dire chaque fois que personne ne peut l’évaluer. Retour à la case départ ? Même en urgence, aucune possibilité de consulter des orthophonistes. Malheur à moi, je n’ai pas de contacts dans le domaine pour contourner le système, car avec un diagnostic d’autisme, la première chose que l’on apprend, c’est surtout de trouver d’autres moyens plus « rapides » pour venir en aide à notre enfant. Nous sommes laissés à nous-mêmes ! Cela suffit ! C’est injuste ! Dois-je y laisser ma peau, m’arracher les cheveux, me jeter par terre et faire une crise d’hystérie moi aussi ? Après quatre ans passés sur une liste d’attente au centre de réadaptation en déficience intellectuelle de la Montérégie (CRDI), je n’ai droit qu’à une éducatrice spécialisée qui vient tenter de nous aider une heure par semaine ! Encore une fois, c’est moi qui suis la véritable intervenante de mon enfant depuis le début, en plus de travailler à temps plein comme professeure et d’élever trois enfants de moins de sept ans, parce que les ressources manquent. C’est une honte de voir et de constater que depuis toutes ces années, rien ne bouge. Monsieur Charest, réveillez-vous ! Je suis convaincue que vous ne savez même pas qu’un enfant sur 150 (et même moins selon de nouvelles statistiques) est atteint d’un trouble envahissant du développement. Une chose est certaine, ce ne seront pas vos prochains électeurs. Pour le temps des Fêtes, toutes mes pensées convergent vers ces familles qui se battent au nom de leur enfant, au nom de leur dignité, et gardent espoir en dépit de tout.

mardi 24 novembre 2009

Vivre heureux dans la déficience ou malheureux dans la conscience ?


Récemment, sans trop porter attention au contenu à l’écran de ma télévision, je m’adonnais, l’air hagard, à une activité très prisée du dimanche soir, le pliage des vêtements et autres accessoires. Soudain, mon regard s’arrête net sur une jeune femme qui participe activement à l’émission Le Banquier, animée par Julie Snyder. Jusqu’à maintenant, tout semble parfaitement « normal », bien qu’en réalité, l’invitée si enjouée soit trisomique. À 31 ans comme moi, contre toute attente, elle semble épanouie, heureuse et émerveillée par tous les prix et surprises qui s’offrent à elle. Tel un poisson dans l’eau, on dirait qu’elle se trouve au pays des merveilles où les soucis de l’existence, où les tracas liés à notre apparence, se sont évaporés dans l’air du temps, ce temps qui n’a plus d’importance, car la voilà, cette jeune fille si différente physiquement, mentalement, plongée dans le moment présent pur et simple, celui vers lequel nous aimerions tous tendre, mais en vain. C’est comme si elle défiait le destin en lui disant : « Tu croyais m’avoir, hein ? Hé bien, t’as rien vu mon vieux ! ». Ce petit bout de vie sourit de tout son cœur et ne fait que témoigner de son bonheur sous le regard protecteur et fier de ses parents venus pour l’encourager. N’est-ce pas là, finalement, l’essentiel, le but même de l’existence ? Cesser de chercher à tout comprendre, de se torturer l’esprit parce que les réponses à nos questions se font attendre ? Les larmes aux yeux, les lèvres tremblantes, je trouve subitement la vie injuste; je suis prise de remords. Je pense à ma propre fille déjà si consciente, parfois trop insistante, quand vient le temps de me demander : « Maman, qu’est-ce que j’ai ? »; « Pourquoi je ne suis pas comme les autres ? »; « Est-ce qu’un jour, je vais guérir et être comme mon frère et ma sœur? ». J’aimerais alors pouvoir lui répondre que tout passera quand elle sera grande, que toutes ses souffrances intérieures feront partie du passé le jour de son mariage, que, finalement, à bien y penser, elle n’a rien ! L’autisme n’est qu’un mauvais rêve, un virus qui se soigne, qu’une dure étape à passer avec un peu de repos…
Je lui tends les bras. Retour à la case départ. Dodo, l’enfant do, l’enfant dormira bien vite. Dodo, l’enfant do, l’enfant dormira bientôt. Je la revois, quelques minutes après sa naissance. Calme, endormie, le visage d’un ange est enfoui, enveloppé dans un amour inconditionnel que je découvre à peine. Dort, mon amour. Je ne veux pas que tu souffres. Je voudrais tant que personne ne se moque de ta démarche un peu gauche, de ta maladresse, de tes cheveux en bataille que tu n’aimes pas coiffer, de ta passion sans faille pour les insectes, les araignées, de tes difficultés scolaires déjà bien ancrées. Je ne veux pas te voir souffrir, parce que l’humain peut savoir être si méchant. Tu ne comprendrais pas, toi si douce, attentionnée et dévouée. Comment alors expliquer la différence à un enfant lorsque cela le concerne et qu’il le ressent ? Chut ! Je ne veux plus y penser. Je veux pouvoir oublier l’espace d’un court moment. J’entends les rires de la télé. La jeune fille est toujours là, intègre, authentique, si vulnérable à la fois. Je reviens à la réalité, à cette téléréalité qui est aussi mienne. Je souris à la vie, à l’écran, mais je ne peux empêcher mes larmes de couler comme un torrent.

mercredi 4 novembre 2009

À quand mon tour ?

Depuis le début de la campagne de vaccination, je me sens comme faisant partie d’un troupeau de bétail que l’on envoie à l’abattoir. Ayant trois enfants âgés respectivement de 4 ans, 5 ans ½ et sept ans dont une enfant autiste, travaillant à temps plein comme professeure de français au collégial, je contemple la situation actuelle dans la résignation la plus totale. Non seulement, en tant que professeure côtoyant de nombreux étudiants déjà atteints par la A(H1N1), mais en tant que mère de famille, je me sens impuissante et dans l’impossibilité de trouver une issue réaliste pouvant protéger mes brebis. D’ailleurs, puisque l’on parle d’attroupement, de brebis et de bétail errant, si le vaccin n’est efficace que dix jours après son administration et qu’il faille donner deux doses aux enfants de moins de neuf ans pour que l’immunité soit complète, cela veut donc dire que je devrai me présenter 6 fois, sinon plus, dans le fameux centre de vaccination auquel nous avons été affectés ? Mais, dites-moi, surtout, ce qu’il adviendra de mes enfants si je deviens malade, de même que mon mari parce que nous ne faisons pas partie des personnes prioritaires ? Qui prendra soin d’eux ? Pourquoi ne pas faire vacciner les enfants dans leur école respective, de même que les professeurs ? Et les enfants autistes dans tout cela ? Cela fait dix jours que je tente d’obtenir UNE réponse pour savoir de quelle façon nous pourrons vacciner cette enfant dans le respect et la dignité de sa grande fragilité, c’est-à-dire à la maison, loin d’une foule menaçante et des regards interrogateurs qui en disent long sur l’ignorance de notre société en matière d’autisme. Que ferons-nous lorsqu’elle se débattra comme un animal piégé ? Le CSSS n’a aucune solution à nous offrir, « pas de mot d’ordre venant d’en-haut », la travailleuse sociale de notre fille ne sait que me répondre, la représentante de l’Association des parents d’enfants autistes attend toujours la réponse de l’Agence de la santé et des services sociaux, le Centre de Réadaptation n’a pas le mandat de nous aider… Pour combien de temps encore devrons-nous attendre, car ce temps commence justement à presser sérieusement. Puis-je aussi ajouter que la fumée sort de mes oreilles comme un taureau furieux qui a envie de défoncer la barrière de son enclos et qui, en attendant le moment de grâce, se dit : « à quand mon tour » ?

vendredi 30 octobre 2009

Je m'avoue vaincue


Dégoûtée. Je suis dégoûtée par la situation dans laquelle sont confinés des milliers de parents québécois aux prises avec un enfant handicapé lorsque je vois de quelle façon le gouvernement les traite, à commencer par le fameux supplément pour enfant handicapé de la Régie des Rentes du Québec qui est, tant qu'à moi, un tissu de mensonges, un trompe-l’œil qui sert à calmer la « populace » par de fausses promesses. Non seulement on nous enlève le peu de support financier octroyé (167,00$/mois) sitôt que notre enfant démontre des signes d’évolution, mais en plus, les ressources gouvernementales semblent diminuer et les intervenants de plus en plus débordés, d’année en année. Avec le déficit du Québec qui s’élève à plus 125 milliards de dollars, je commence à désespérer. Depuis quatre ans, je mène une lutte acharnée pour aider notre fille autiste au quotidien. Je n’ai pas rêvé tout de même quand, dans son rapport, la Protectrice du citoyen, Raymonde Saint-Germain, affirmait il y a quelques jours que le parcours des parents des enfants autistes est « un véritable chemin de croix ». Mais comme dans Le Procès de Kafka, je me sens comme Joseph K. C’est l’absurdité de l’existence qui règne, encore une fois. Je tiens dans mes mains une lettre qui met fin aux symboliques prestations de la Régie des Rentes du Québec pour notre enfant, simplement parce que, me dit-on, ma fille a trop progressé. Un peu plus loin, il est écrit froidement « Vous nous devez la somme de 342,00$ » et « Puisque vous avez une dette envers la Régie, nous retiendrons la somme de 342,00$ de votre prochain versement (soutien aux enfants) ». Pendant quatre ans, à défaut d’avoir obtenu des services gouvernementaux pour notre fille, nous avons investi environ 40 000,00$ en interventions de toutes sortes. Bien sûr, cela a donné des résultats, mais l’autisme, faut-il le rappeler, ne se guérit pas ! C’est un trouble neurobiologique permanent. Autrement dit, parce que nous avons stimulé notre fille pour son bien-être et celui de la société, nous avons maintenant une dette envers le gouvernement qui estime même avoir trop payé dans notre cas.


Nous voulons simplement que notre enfant puisse s’intégrer à la société de demain quand nous n’y serons plus. Toutefois, comme Joseph K., je m’avoue vaincue, cette fois. Le procès de l’absurdité est terminé pour moi.

samedi 10 octobre 2009

Supplément pour enfant handicapé


Depuis plus de quatre ans, le combat que nous menons pour venir en aide à notre fille atteinte d’un trouble envahissant du développement apparenté à l’autisme est toujours à recommencer. Pire encore, plus l’état physiologique et intellectuel de notre enfant qui n’a pas de déficience intellectuelle s’améliore, plus on nous coupe l’herbe sous le pied, à commencer par le supplément pour enfant handicapé qui atteint 167,00$ mensuellement. Après avoir passé des mois à envoyer de nombreux rapports à la Régie des Rentes du Québec, rapports issus de tous les intervenants possibles et inimaginables (ergothérapeute, orthopédagogue, orthophoniste, pédopsychiatre, neuropsychologue, neuropédiatre, psychologue, etc.), on m’indique que notre fille n’est plus admissible à ce supplément, car son état, réévalué par un médecin qui n’est pas pédopsychiatre (étant donné la pénurie, me dit-on), ne correspond plus aux critères établis pour obtenir un tel supplément. Y a-t-il eu de l’abus de la part de certains parents ? Peut-être. Pour m’annoncer cette fâcheuse nouvelle, on délègue une infirmière qui semble répéter un texte appris par cœur et qui ne cesse de mettre en pratique de bêtes théories psychosociologiques, faussement humanistes, du genre « je comprends que vous soyez déçue », « vous pouvez porter plainte, il nous fera plaisir de réévaluer votre demande ». Bien sûr, je n’ai que cela à faire, me battre pour une somme qui ne renvoie même pas aux frais assumés pour donner à nos trois enfants un environnement adapté, répondant aux besoins de notre enfant handicapée (chaise trip-trap, animaux lourds, coussins pour TDAH, time timer, pictogrammes, chambre adaptée, vaisselles et couvert particulier, chien d’assistance, rampes adaptées, etc.). Pour la Régie des Rentes, le fait que nous devions faire appel à des services issus du privé depuis quatre ans ne les regarde pas. Ce ne sont pas 167,00$ par mois que nous avons dû dépenser afin de compenser pour le manque de services gouvernementaux, mais plus de 1000,00$ par mois pour stimuler notre fille et j’en passe. Faites le calcul ! Nous sommes rendus à environ 40 000,00$ en quatre ans, sans exagération. Avec le supplément de la RRQ, j’arrive à presque 8000,00$. À 110,00$/heure par intervenant, allant parfois jusqu’à deux fois par semaine, sans compter le fait que les enfants autistes sans déficience intellectuelle doivent aussi être stimulés que les autres enfants handicapés, autant au niveau sensoriel, psychomoteur que comportemental, qu’il faille nous battre pour que notre enfant puisse s’intégrer au niveau ordinaire parce qu’il n’est passez hypothéqué pour se trouver en classe TED, qu’il nous faille engager un orthopédagogue au privé pour assister notre enfant dans ses troubles d’apprentissage (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, dyspraxie, etc.), comment se fait-il que l’on exclue un enfant autiste qui n’est pas assez handicapé aux yeux du gouvernement ? Le diagnostic de trouble envahissant du développement n’est pas suffisant ? Ah bon ! Le médecin chargé du dossier de notre enfant a-t-il la moindre idée de ce que nous vivons, isolés depuis quatre ans, à attendre sur des listes d’attente interminables? A-t-il suffisamment de connaissances en pédopsychiatrie pour juger de l’état d’autonomie d’un enfant TED sur papier ? L’infirmière, au téléphone, ne savait trop que répondre. Non, mais je rêve ! Expliquez-moi, surtout, la raison qui motive le choix de soustraire 167,00$ par mois de notre allocation parentale parce que notre enfant va mieux … Oui, je l’avoue. Notre enfant va mieux. Malgré un TDAH (trouble du déficit d’attention avec hyperactivité) traité, un trouble anxieux sévère avec des traits obsessifs-compulsifs, une hypotonie généralisée causée par une leucomalacie périventriculaire qui la fait tomber fréquemment sans raison, un déficit neurosensoriel, une phobie des entorses à sa routine, une hypersomnie diurne inexpliquée, une dyslexie, une dyspraxie motrice, une dyscalculie, elle va mieux, en effet. Même si nous devons l’habiller chaque matin, alors qu’elle a plus de sept ans, que nous devons souvent la faire manger en raison de son manque de concentration, lui tenir la main lors de nos déplacements en demandant aux plus jeunes d’être autonomes, la laver, lui brosser les dents, calmer ses crises d’angoisse, ses cris de détresse, elle va bien ! D’ailleurs, ce 167,00$ par mois n’était que symbolique, qu’une illusion qui nous permettait de croire que le gouvernement avait un peu d’empathie pour supporter les parents d’enfants TED-autistes qui vivent dans l’attente d’une prise en charge par le CRDI (centre de réadaptation en déficience intellectuelle). SIC. La Régie des Rentes ne compte peut-être pas dans son supplément que les séquelles associées à un diagnostic de trouble envahissant du développement (catégorie incluse dans les troubles du comportement) ne se restreignent pas seulement à l’individu aux prises avec ce handicap, mais à toute la famille, aux frères et sœurs, aux grands-parents, aux amis, aux enseignants, à l’ignorance des gens à ce sujet, à la santé mentale des parents. Maintenant, si tout cela ne vaut même pas 167,00$ par mois, je crois, messieurs, dames du gouvernement, que vous devrez revoir les critères permettant d’obtenir ce dit supplément pour enfant handicapé incluant les enfants atteints d’un trouble du développement ou, alors, redéfinir ce en quoi consiste un handicap. Selon le Petit Larousse Illustré, un handicap peut être « sensoriel (visuel, auditif), physique (neurologique, musculaire, etc.) ou encore mental (déficience intellectuelle, trouble psychiatrique) ». À ce que je sache, cette définition, plutôt large, correspond au portrait que nous vous avons transmis de notre enfant. À vous de voir.
Pour plus renseignements, consulter le site : http://www.rrq.gouv.qc.ca/SiteCollectionDocuments/www.rrq.gouv.qc/Francais/publications/soutien_aux_enfants/SEH-Brochure2008F.pdf

lundi 21 septembre 2009

Hommage aux familles d'enfants TED-autistes chez MIRA


C’est dimanche, le 20 septembre dernier, qu’avait lieu la journée hommage aux familles d’enfants TED-autistes à St-Eustache, à la cabane à sucre Lalande, par une de ces magnifiques journées ensoleillées comme on les aime. Les parents ayant participé depuis quelques années à l’étude cherchant « à évaluer l’effet de l’introduction d’un chien d’assistance auprès d’enfants ayant un syndrome dans le spectre des troubles envahissants du développement (TED) et ce, tant au niveau de la symptomatologie, de l’autonomie de l’enfant que du stress vécu par celui-ci et sa famille » étaient, pour la plupart, présents. Une quinzaine de chiens d’assistance pour enfants TED s’y trouvaient, mais cette fois, sans leur jeune compagnon, le but étant de permettre aux parents de se retrouver afin d’échanger sur leur quotidien pour le moins chargé en action et en émotions, mais surtout de parler du rôle du chien d’assistance auprès de nos enfants.
Ainsi, depuis l’annonce du diagnostic de notre fille, soit il y a de cela bientôt quatre ans, jamais nous n’avons été aussi bien accueillis et écoutés, compris et respectés qu’à la Fondation MIRA. Le jour où j’ai appris, par le biais de Robert Viau, neuropsychologue aujourd’hui décédé, que je participais à cette étude, j’ai ressenti un grand soulagement. Vulnérable, je ne savais plus où aller, quoi faire pour venir en aide à notre enfant. Après une semaine logée, nourrie, à rire aux larmes avec d’autres mamans tout en apprenant à guider chacun de nos chiens soigneusement assignés par Simon Beauregard, notre entraîneur, je suis revenue à la maison après cette bénéfique thérapie de groupe, avec un Labernois de 28 kilos, en espérant fortement que les nuits de notre fille seraient un peu plus longues et que son quotidien lui semblerait moins difficile à affronter en présence de sa confidente.
Deux ans plus tard, alors que je me trouve de nouveau en compagnie des mamans qui ont fait partie de ma cohorte lors de la recherche, j’écoute le discours amusant et chaleureux de Noël Champagne, psychologue chargé du projet, les yeux embués de larmes que j’ai depuis longtemps cessé de tarir. Pleurer fait du bien, surtout quand on a enfin une épaule sur laquelle il nous est possible de poser notre tête, ne serait-ce que le temps de reprendre notre souffle dans cette course épuisante qu’est celle d’accompagner au quotidien un enfant différent. Comme le disaient bien des parents lors de ces retrouvailles, il revient plutôt à nous, parents d’enfants TED, de rendre hommage à la Fondation MIRA pour l’énergie consacrée à débroussailler une forêt dense dans laquelle nous nous étions égarés pour qu’un chemin soit tracé dans un parcours parsemé d’embûches de toutes sortes.
On dit de l’autisme et des troubles envahissants du développement qu’ils sont le mal du XXIe siècle et que les gouvernements doivent mettre en place des services adaptés de toute urgence pour pouvoir répondre à la demande croissante en intervention comportementale précoce (ICI). En attendant, ce sont les parents qui compensent pour les nombreuses listes d’attente en devenant les intervenants spécialisés de leur enfant sans avoir, dans bien des cas, aucune formation adéquate et je sais de quoi je parle. Que faut-il faire de plus, quelle preuve supplémentaire devons-nous amener pour qu’enfin nos cris de détresse soient entendus ? Est-ce normal que ma fille ait obtenu des services d’un Centre de réadaptation en déficience intellectuelle quatre ans après avoir fait une demande ? Que serait-elle aujourd’hui si je n’avais pas remué ciel et terre pour qu’elle apprenne, ne serait-ce, qu’à sourire, qu’à marcher sans tomber, qu’à pouvoir dormir la nuit ? À ce prix-là, et je parle de la santé physiologique et mentale de ma famille, j’aurais mieux fait de faire appel à des bourses d’études en vue de me spécialiser en intervention comportementale auprès des enfants autistes, mais la réalité est tout autre, malheureusement, car l’énergie me manque, trop souvent.
À bien y penser, finalement, c’est ce que je suis devenue naturellement, une éducatrice spécialisée, tout en travaillant à temps plein pour subvenir aux besoins criants de notre enfant et des deux autres qui n’ont rien demandé. Nul besoin de vous dire que la chaleur humaine apportée par MIRA m’a probablement empêchée de tomber un peu plus bas.

vendredi 18 septembre 2009

Quand le parent devient l'intervenant de son enfant




Au cours de notre carrière, il arrive bien souvent que l’on doive se réorienter, histoire de changer de secteur, de relever de nouveaux défis ou, comme c’est le cas actuellement, en raison de la précarité de la situation économique. Parfois, c’est le destin qui en décide autrement.



En 2002, juste avant de remettre mon mémoire de maîtrise à l’Université Queen’s de Kingston, il ne restait que quelques semaines avant l’arrivée de mon premier enfant à naître. Devant moi, une nouvelle vie se dessinait et je savais déjà que j’allais reprendre mes études peu après la naissance du bébé pour poursuivre mon doctorat à Montréal, mon projet de thèse ayant été accepté. Le parcours de mon existence ne pouvait être plus clair. Pourtant, à 27 ans, j’ai vite appris ce qu’était l’école de la vie et la désillusion qui y est associée : nous apprenions brutalement que notre fille aînée était atteinte d’une forme d’autisme atypique. C’est alors que toutes mes connaissances, mon savoir, accumulés pendant toutes ces années d’études passionnées, s’étalaient devant moi sans pouvoir m’être d’aucun secours. J’étais diplômée en littérature française et je devais venir en aide à un enfant ayant un trouble neurocomportemental permanent. La terminologie associée à l’autisme et aux troubles envahissants du développement me semblait s’apparenter à une autre langue, tellement je ne comprenais rien à tout ce charabia. On dit bien que le changement crée souvent une forme de résistance, car il demande à ce que l’on s’adapte à un nouvel environnement, à une nouvelle forme de pensée. En plus de devoir comprendre en quoi consistait le trouble de notre fille, je devais être son intervenante 24 heures sur 24, la nuit comme le jour, en raison des troubles d’insomnie liés à l’autisme. Je devenais responsable de diriger une équipe multidisciplinaire de spécialistes de toutes sortes puisque les enfants TED (atteints d’un trouble envahissant du développement) restent sur des listes d’attente trop longues avant que le système de santé puisse les prendre en charge, ce qui peut nuire grandement au processus les menant vers une certaine autonomie. De fait, le cerveau reste plastique, se façonne jusqu’à l’âge de 5 ans, ce qui nous donnait à peine 2 ans et demi pour stimuler notre enfant le plus possible avec l’aide d’intervenants issus du privé (ergothérapeute, psychologue, orthophoniste, physiothérapeute, éducateur spécialisé, nutritionniste, etc.) et de centres hospitaliers (pédopsychiatre, neuropédiatre, physiatre, pédiatre, pneumologue, othorinolaryngologiste, gastro-entérologue, etc.) en raison des troubles moteurs associés à l’atteinte neurologique de notre fille qui est hypotonique (sans tonus musculaire), en plus d’avoir une lésion cérébrale nommée « leucomalacie périventriculaire », celle-ci se situant dans la substance blanche périventriculaire du cerveau. Nous devions nous-mêmes faire face à une forme de deuil et affronter l'adversité sans comprendre tout à fait ce qui nous arrivait. L’acceptation ne se fait pas du jour au lendemain. Je devais veiller à ce que notre fille fasse tous ses exercices de stimulation en choisissant une méthode d’intervention comportementale intensive avec méfiance et prudence (de 20 heures à 40 heures par semaine), la mener à tous ses rendez-vous, gérer les moments de crises de panique, les cris et les hurlements, l’incompréhension de ses frère et sœur, le manque de sommeil qui nous brûlait, mais surtout la frustration liée au manque de services adaptés à cette clientèle si complexe. Je souffrais donc d’une grande solitude.



Pendant deux ans, j’ai mis ma carrière de côté et je ne regretterai jamais ce passage obligé de mon existence de parent-intervenant. J’ai tellement appris, rencontré des êtres formidables et dévoués, mais surtout compris que la polyvalence fait maintenant partie intégrante de ma carrière. Un jour, alors que j’étais à un degré de découragement assez élevé, mon père me dit simplement : « Catherine, toi qui aimes tant écrire, pourquoi n’écrirais-tu pas tout ça ? ». J’ai donc sorti l’arme du combattant, ma plume, et un témoignage a suivi, au fil du temps. Grâce à l’écriture et à ma formation, j’ai pu parvenir à un équilibre entre la passion et la raison, en vivant l’autisme de notre fille, un jour à la fois.

jeudi 17 septembre 2009

Un coup de klaxon de trop


Ce matin, comme tous les matins de la semaine, nous accompagnons nos trois jeunes enfants à l’arrêt d’autobus qui se trouve juste devant notre maison. Puisque nous habitons sur un boulevard très achalandé durant les heures de pointe, il arrive, bien souvent, qu’une filée de voiture soit immobilisée pendant au moins deux minutes, le temps que nos petits de 4, 5 et 7 ans, montent et s’attachent. Pour ceux et celles qui ne le savent pas encore, certains autobus sont équipés de ceintures de sécurité pour les enfants. Combien de temps cela prend-t-il, selon vous, pour vous attacher et attacher vos enfants le matin ou le soir ? Faites le calcul, vous verrez que cela prend un certain temps, surtout lorsque les enfants bougent et ne veulent pas s’asseoir. Ce ne sont pas des objets que l’on pose sur un banc d’autobus ! Alors, je disais donc que ce matin, le conducteur d’une voiture s’est mis à klaxonner d’impatience à plusieurs reprises, pendant que notre chauffeuse si dévouée et patiente tentait d’attacher nos enfants surexcités de partir vers l’école. En entendant le klaxon et en constatant l’agressivité de ce conducteur à l’égard de l’autobus, j’ai eu de la difficulté à contenir ma colère et ma peine. Mon mari et moi nous sommes regardés simplement, surpris et ahuris de voir que des êtres soit disant civilisés puissent avoir une telle réaction. Par contre, si je pouvais parler à cette personne, voilà ce que je lui dirais. Étant donné le nombre trop élevé de véhicules qui serpentent nos rues, nos ponts et nous empestent les poumons, il existe une solution bien simple, mon cher Monsieur : le transport en commun. Ce mot ne vous dit rien ? Pourtant, vous passeriez moins de temps à pester lors de vos déplacements contre tout parce que les routes contiennent trop de panneaux de signalisation, parce qu’il y a des travaux partout et parce que des enfants montent dans un autobus scolaire. En tous les cas, une chose est certaine, votre tension artérielle s’en porterait sans doute beaucoup mieux.

jeudi 10 septembre 2009

L'Histoire est notre meilleur professeur






Le texte d’André Pratte « Le vrai manifeste du FLQ » a fait resurgir en moi une multitude de sentiments et de souvenirs. Non, pas le genre de souvenirs auxquels on pourrait penser. Je n’ai que trente-et-un an et je n’étais même pas née quand La Crise d’Octobre a eu lieu. Par contre, en raison de nos origines tristement balafrées par l’Histoire, j’ai toujours reçu, à la maison, un enseignement qui nous portait à chercher et à comprendre les sources de la haine, aussi difficile que cela puisse paraître. L’Histoire nous façonne et on ne peut s’en dissocier. Alors, parlons-en, dans ce cas, mais ne cherchons pas à la rendre plus belle, plus laide ou à l’excuser. Comme le dit si bien André Pratte, parfois il vaut mieux « montrer cette violence dans toute sa brutalité, dans toute sa froideur ». La mort de Pierre Laporte, assassiné à l’âge de 49 neuf par une cellule du FLQ, le 17 octobre 1970, suscite un profond malaise, ce dernier étant nécessaire, car il nous force à réfléchir sur les conséquences d’avoir posé de tels gestes. Quel message voulons-nous que nos jeunes retiennent ? Maintenant que l’on se trouve dans une impasse à savoir quelle image donner aux événements d’Octobre 1970, quel manifeste lire au Moulin à paroles, le vrai, le plus beau, le plus cru, le moins choquant … cela fait en sorte que l’on perd l’essence même à l’origine de ce projet qui se veut, si je ne me trompe pas, rassembleur. En apprenant de quelle façon mon grand-père, né à la même époque que Pierre Laporte, avait été assassiné dans un camp de concentration nazi en février 1945, malgré le sentiment d’injustice, d’incompréhension, de dégoût, j’ai décidé d’enseigner cette période de notre Histoire à mes étudiants pour que l’on n’oublie jamais d’où proviennent les sources de la haine. Je veux croire au fait que nous, parents, professeurs, journalistes, et bien d’autres, avons entre nos mains la possibilité d’expliquer aux plus jeunes, notre relève, les fondements à l’origine de notre société d’aujourd’hui pour pouvoir leur inculquer une conscience « historique ». Aldous Huxley disait d’ailleurs que « le fait que les hommes tirent peu de profit des leçons de l'Histoire est la leçon la plus importante que l'Histoire nous enseigne. ».

mercredi 2 septembre 2009

Le parfait bonheur


« Avez-vous déjà eu l’impression que votre vie filait le parfait bonheur » ? Cette question est celle qu’un jour, du haut de mes douze ans, j’ai écrite, sur un petit bout de papier déchiré, provenant d’une feuille lignée d’un de mes cahiers d’école, petit bout de papier froissé que mes parents gardent encore bien précieusement sur le frigidaire depuis bientôt vingt ans. Au-dessus de cette simple question se trouve une photo de moi à cet âge où je me trouvais au septième ciel, tenant dans mes bras Chinook, mon Yorkshire, que j’étais allée choisir avec mon père peu de temps auparavant. Devant moi une énorme brioche emplit mon assiette, brioche que le petit chien, du coin de l’œil, tente, tant bien que mal, de lécher sans que je m’en aperçoive, du moins, semble-t-il le croire, pendant que je souris à l’objectif qui va immortaliser cet instant de pur bonheur pour longtemps encore. À douze ans, je ne vivais que le moment présent, pas encore submergée par mes dix mille obligations du moment. Tous les vendredis soirs, après avoir repassé mes leçons d’écologie, j’accompagnais mon père à Montréal parce que nous allions chercher mon grand frère de dix-huit ans qui suivait des cours de sauveteurs avec ses amis. Les années ont passé et j’ai grandi, comme bien des adolescents, à la recherche de cette sensation qui nous permet de sentir que « sky is the limit ». Un jour, j’ai eu dix-sept ans. C’était à St-Bruno, avec mes copains du collège, que nous passions nos vendredis soirs à dépenser, chez Nonna, les dix dollars que nous avions amassés en faisant le ménage de nos chambres. On mangeait de la poutine, puis buvions un café, parfois arrosé d’une ou deux bières en soirée, peut-être plus, qu’un ami de dix-huit ans allait nous chercher. Nos parents nous faisaient confiance et se disaient peut-être que « moins on en sait, mieux on se porte ». Mais avaient-ils raison ? Et que pouvaient-ils faire d’autre ? Aujourd’hui, mère de trois jeunes enfants, je suis atterrée par la mort de Gabrielle Dionne qui, à dix-huit ans seulement, a laissé sa vie en défiant le destin, en recherchant des sensations fortes, car se croyant sûrement immortelle… À dix-sept, dix-huit ans, on se sent tous pareils. Pas besoin de vous faire un dessin ni d’écrire une autre belle petite phrase. Chercher dans votre mémoire. Cette époque n’est pas bien loin, celle que l’on se remémore en se disant « mon Dieu qu’on était fou ». Le problème, c’est qu’en courant après le parfait bonheur, sans le vouloir, Gabrielle et bien des jeunes ont semé, autour d’eux, en s’envolant, le vrai malheur.

dimanche 30 août 2009

Un câlin pour la rentrée







Monsieur le professeur,



Dans trois jours, vous accueillerez dans votre classe vos nouveaux élèves parmi lesquels se trouvera mon enfant.


À première vue, il vous semblera presque comme les autres, à part, peut-être, sa démarche qui renvoie plutôt à celle d’un automate. Son regard fuira probablement le vôtre, mais vous penserez qu’il est simplement timide. Dans votre classe, il paraîtra gauche avec son crayon et vous aurez l’impression qu’il ne comprend pas tout ce que vous direz, ce qui fera en sorte que vous serez tenté de répéter à maintes reprises certaines explications. Les présentations orales rendront sa vie cauchemardesque, l’empêchant même de dormir plusieurs jours avant la date fatidique, mais ça, vous ne le savez pas encore, car c’est le premier jour de la rentrée. Perfectionniste à l’extrême, il analysera sous tous les angles votre classe et vos expressions faciales, votre façon de parler, de gérer votre classe et fera tout pour vous plaire. Il sait qu’il ne s’autorisera jamais à faire des erreurs. Son côté rigide vous émouvra, car cet enfant si anxieux vit sur la corde raide 24 heures sur 24 et doit dépenser beaucoup d’énergie, ne serait-ce que pour rester dans une classe où il y a plusieurs autres personnes, du bruit, des odeurs auxquelles il n’est pas habitué, des textures qu’il ne voudra pas toucher. Jamais il ne désobéira aux règlements, car son code de loi personnel le lui a bien indiqué. Ses cahiers seront peut-être brouillons, mais il se sera appliqué à écrire le mieux possible, malgré ses faiblesses musculaires qui font que le simple fait de tenir un crayon pendant une longue période est un exploit pour lui. Monsieur le professeur, j’oubliais une dernière chose. Si mon enfant autiste venait à vous faire un gros câlin, ne vous en faites pas … L’amour ne blesse personne et nous ramène à des valeurs si naturelles ! Je pense vous avoir dit l’essentiel. Bonne rentrée et surtout, merci d’aimer mon enfant différent, mais ô combien attachant … C’est lui, le meilleur professeur que j’aie jamais eu.