Récemment, sans trop porter attention au contenu à l’écran de ma télévision, je m’adonnais, l’air hagard, à une activité très prisée du dimanche soir, le pliage des vêtements et autres accessoires. Soudain, mon regard s’arrête net sur une jeune femme qui participe activement à l’émission Le Banquier, animée par Julie Snyder. Jusqu’à maintenant, tout semble parfaitement « normal », bien qu’en réalité, l’invitée si enjouée soit trisomique. À 31 ans comme moi, contre toute attente, elle semble épanouie, heureuse et émerveillée par tous les prix et surprises qui s’offrent à elle. Tel un poisson dans l’eau, on dirait qu’elle se trouve au pays des merveilles où les soucis de l’existence, où les tracas liés à notre apparence, se sont évaporés dans l’air du temps, ce temps qui n’a plus d’importance, car la voilà, cette jeune fille si différente physiquement, mentalement, plongée dans le moment présent pur et simple, celui vers lequel nous aimerions tous tendre, mais en vain. C’est comme si elle défiait le destin en lui disant : « Tu croyais m’avoir, hein ? Hé bien, t’as rien vu mon vieux ! ». Ce petit bout de vie sourit de tout son cœur et ne fait que témoigner de son bonheur sous le regard protecteur et fier de ses parents venus pour l’encourager. N’est-ce pas là, finalement, l’essentiel, le but même de l’existence ? Cesser de chercher à tout comprendre, de se torturer l’esprit parce que les réponses à nos questions se font attendre ? Les larmes aux yeux, les lèvres tremblantes, je trouve subitement la vie injuste; je suis prise de remords. Je pense à ma propre fille déjà si consciente, parfois trop insistante, quand vient le temps de me demander : « Maman, qu’est-ce que j’ai ? »; « Pourquoi je ne suis pas comme les autres ? »; « Est-ce qu’un jour, je vais guérir et être comme mon frère et ma sœur? ». J’aimerais alors pouvoir lui répondre que tout passera quand elle sera grande, que toutes ses souffrances intérieures feront partie du passé le jour de son mariage, que, finalement, à bien y penser, elle n’a rien ! L’autisme n’est qu’un mauvais rêve, un virus qui se soigne, qu’une dure étape à passer avec un peu de repos…
Je lui tends les bras. Retour à la case départ. Dodo, l’enfant do, l’enfant dormira bien vite. Dodo, l’enfant do, l’enfant dormira bientôt. Je la revois, quelques minutes après sa naissance. Calme, endormie, le visage d’un ange est enfoui, enveloppé dans un amour inconditionnel que je découvre à peine. Dort, mon amour. Je ne veux pas que tu souffres. Je voudrais tant que personne ne se moque de ta démarche un peu gauche, de ta maladresse, de tes cheveux en bataille que tu n’aimes pas coiffer, de ta passion sans faille pour les insectes, les araignées, de tes difficultés scolaires déjà bien ancrées. Je ne veux pas te voir souffrir, parce que l’humain peut savoir être si méchant. Tu ne comprendrais pas, toi si douce, attentionnée et dévouée. Comment alors expliquer la différence à un enfant lorsque cela le concerne et qu’il le ressent ? Chut ! Je ne veux plus y penser. Je veux pouvoir oublier l’espace d’un court moment. J’entends les rires de la télé. La jeune fille est toujours là, intègre, authentique, si vulnérable à la fois. Je reviens à la réalité, à cette téléréalité qui est aussi mienne. Je souris à la vie, à l’écran, mais je ne peux empêcher mes larmes de couler comme un torrent.
Je lui tends les bras. Retour à la case départ. Dodo, l’enfant do, l’enfant dormira bien vite. Dodo, l’enfant do, l’enfant dormira bientôt. Je la revois, quelques minutes après sa naissance. Calme, endormie, le visage d’un ange est enfoui, enveloppé dans un amour inconditionnel que je découvre à peine. Dort, mon amour. Je ne veux pas que tu souffres. Je voudrais tant que personne ne se moque de ta démarche un peu gauche, de ta maladresse, de tes cheveux en bataille que tu n’aimes pas coiffer, de ta passion sans faille pour les insectes, les araignées, de tes difficultés scolaires déjà bien ancrées. Je ne veux pas te voir souffrir, parce que l’humain peut savoir être si méchant. Tu ne comprendrais pas, toi si douce, attentionnée et dévouée. Comment alors expliquer la différence à un enfant lorsque cela le concerne et qu’il le ressent ? Chut ! Je ne veux plus y penser. Je veux pouvoir oublier l’espace d’un court moment. J’entends les rires de la télé. La jeune fille est toujours là, intègre, authentique, si vulnérable à la fois. Je reviens à la réalité, à cette téléréalité qui est aussi mienne. Je souris à la vie, à l’écran, mais je ne peux empêcher mes larmes de couler comme un torrent.