lundi 21 septembre 2009

Hommage aux familles d'enfants TED-autistes chez MIRA


C’est dimanche, le 20 septembre dernier, qu’avait lieu la journée hommage aux familles d’enfants TED-autistes à St-Eustache, à la cabane à sucre Lalande, par une de ces magnifiques journées ensoleillées comme on les aime. Les parents ayant participé depuis quelques années à l’étude cherchant « à évaluer l’effet de l’introduction d’un chien d’assistance auprès d’enfants ayant un syndrome dans le spectre des troubles envahissants du développement (TED) et ce, tant au niveau de la symptomatologie, de l’autonomie de l’enfant que du stress vécu par celui-ci et sa famille » étaient, pour la plupart, présents. Une quinzaine de chiens d’assistance pour enfants TED s’y trouvaient, mais cette fois, sans leur jeune compagnon, le but étant de permettre aux parents de se retrouver afin d’échanger sur leur quotidien pour le moins chargé en action et en émotions, mais surtout de parler du rôle du chien d’assistance auprès de nos enfants.
Ainsi, depuis l’annonce du diagnostic de notre fille, soit il y a de cela bientôt quatre ans, jamais nous n’avons été aussi bien accueillis et écoutés, compris et respectés qu’à la Fondation MIRA. Le jour où j’ai appris, par le biais de Robert Viau, neuropsychologue aujourd’hui décédé, que je participais à cette étude, j’ai ressenti un grand soulagement. Vulnérable, je ne savais plus où aller, quoi faire pour venir en aide à notre enfant. Après une semaine logée, nourrie, à rire aux larmes avec d’autres mamans tout en apprenant à guider chacun de nos chiens soigneusement assignés par Simon Beauregard, notre entraîneur, je suis revenue à la maison après cette bénéfique thérapie de groupe, avec un Labernois de 28 kilos, en espérant fortement que les nuits de notre fille seraient un peu plus longues et que son quotidien lui semblerait moins difficile à affronter en présence de sa confidente.
Deux ans plus tard, alors que je me trouve de nouveau en compagnie des mamans qui ont fait partie de ma cohorte lors de la recherche, j’écoute le discours amusant et chaleureux de Noël Champagne, psychologue chargé du projet, les yeux embués de larmes que j’ai depuis longtemps cessé de tarir. Pleurer fait du bien, surtout quand on a enfin une épaule sur laquelle il nous est possible de poser notre tête, ne serait-ce que le temps de reprendre notre souffle dans cette course épuisante qu’est celle d’accompagner au quotidien un enfant différent. Comme le disaient bien des parents lors de ces retrouvailles, il revient plutôt à nous, parents d’enfants TED, de rendre hommage à la Fondation MIRA pour l’énergie consacrée à débroussailler une forêt dense dans laquelle nous nous étions égarés pour qu’un chemin soit tracé dans un parcours parsemé d’embûches de toutes sortes.
On dit de l’autisme et des troubles envahissants du développement qu’ils sont le mal du XXIe siècle et que les gouvernements doivent mettre en place des services adaptés de toute urgence pour pouvoir répondre à la demande croissante en intervention comportementale précoce (ICI). En attendant, ce sont les parents qui compensent pour les nombreuses listes d’attente en devenant les intervenants spécialisés de leur enfant sans avoir, dans bien des cas, aucune formation adéquate et je sais de quoi je parle. Que faut-il faire de plus, quelle preuve supplémentaire devons-nous amener pour qu’enfin nos cris de détresse soient entendus ? Est-ce normal que ma fille ait obtenu des services d’un Centre de réadaptation en déficience intellectuelle quatre ans après avoir fait une demande ? Que serait-elle aujourd’hui si je n’avais pas remué ciel et terre pour qu’elle apprenne, ne serait-ce, qu’à sourire, qu’à marcher sans tomber, qu’à pouvoir dormir la nuit ? À ce prix-là, et je parle de la santé physiologique et mentale de ma famille, j’aurais mieux fait de faire appel à des bourses d’études en vue de me spécialiser en intervention comportementale auprès des enfants autistes, mais la réalité est tout autre, malheureusement, car l’énergie me manque, trop souvent.
À bien y penser, finalement, c’est ce que je suis devenue naturellement, une éducatrice spécialisée, tout en travaillant à temps plein pour subvenir aux besoins criants de notre enfant et des deux autres qui n’ont rien demandé. Nul besoin de vous dire que la chaleur humaine apportée par MIRA m’a probablement empêchée de tomber un peu plus bas.

vendredi 18 septembre 2009

Quand le parent devient l'intervenant de son enfant




Au cours de notre carrière, il arrive bien souvent que l’on doive se réorienter, histoire de changer de secteur, de relever de nouveaux défis ou, comme c’est le cas actuellement, en raison de la précarité de la situation économique. Parfois, c’est le destin qui en décide autrement.



En 2002, juste avant de remettre mon mémoire de maîtrise à l’Université Queen’s de Kingston, il ne restait que quelques semaines avant l’arrivée de mon premier enfant à naître. Devant moi, une nouvelle vie se dessinait et je savais déjà que j’allais reprendre mes études peu après la naissance du bébé pour poursuivre mon doctorat à Montréal, mon projet de thèse ayant été accepté. Le parcours de mon existence ne pouvait être plus clair. Pourtant, à 27 ans, j’ai vite appris ce qu’était l’école de la vie et la désillusion qui y est associée : nous apprenions brutalement que notre fille aînée était atteinte d’une forme d’autisme atypique. C’est alors que toutes mes connaissances, mon savoir, accumulés pendant toutes ces années d’études passionnées, s’étalaient devant moi sans pouvoir m’être d’aucun secours. J’étais diplômée en littérature française et je devais venir en aide à un enfant ayant un trouble neurocomportemental permanent. La terminologie associée à l’autisme et aux troubles envahissants du développement me semblait s’apparenter à une autre langue, tellement je ne comprenais rien à tout ce charabia. On dit bien que le changement crée souvent une forme de résistance, car il demande à ce que l’on s’adapte à un nouvel environnement, à une nouvelle forme de pensée. En plus de devoir comprendre en quoi consistait le trouble de notre fille, je devais être son intervenante 24 heures sur 24, la nuit comme le jour, en raison des troubles d’insomnie liés à l’autisme. Je devenais responsable de diriger une équipe multidisciplinaire de spécialistes de toutes sortes puisque les enfants TED (atteints d’un trouble envahissant du développement) restent sur des listes d’attente trop longues avant que le système de santé puisse les prendre en charge, ce qui peut nuire grandement au processus les menant vers une certaine autonomie. De fait, le cerveau reste plastique, se façonne jusqu’à l’âge de 5 ans, ce qui nous donnait à peine 2 ans et demi pour stimuler notre enfant le plus possible avec l’aide d’intervenants issus du privé (ergothérapeute, psychologue, orthophoniste, physiothérapeute, éducateur spécialisé, nutritionniste, etc.) et de centres hospitaliers (pédopsychiatre, neuropédiatre, physiatre, pédiatre, pneumologue, othorinolaryngologiste, gastro-entérologue, etc.) en raison des troubles moteurs associés à l’atteinte neurologique de notre fille qui est hypotonique (sans tonus musculaire), en plus d’avoir une lésion cérébrale nommée « leucomalacie périventriculaire », celle-ci se situant dans la substance blanche périventriculaire du cerveau. Nous devions nous-mêmes faire face à une forme de deuil et affronter l'adversité sans comprendre tout à fait ce qui nous arrivait. L’acceptation ne se fait pas du jour au lendemain. Je devais veiller à ce que notre fille fasse tous ses exercices de stimulation en choisissant une méthode d’intervention comportementale intensive avec méfiance et prudence (de 20 heures à 40 heures par semaine), la mener à tous ses rendez-vous, gérer les moments de crises de panique, les cris et les hurlements, l’incompréhension de ses frère et sœur, le manque de sommeil qui nous brûlait, mais surtout la frustration liée au manque de services adaptés à cette clientèle si complexe. Je souffrais donc d’une grande solitude.



Pendant deux ans, j’ai mis ma carrière de côté et je ne regretterai jamais ce passage obligé de mon existence de parent-intervenant. J’ai tellement appris, rencontré des êtres formidables et dévoués, mais surtout compris que la polyvalence fait maintenant partie intégrante de ma carrière. Un jour, alors que j’étais à un degré de découragement assez élevé, mon père me dit simplement : « Catherine, toi qui aimes tant écrire, pourquoi n’écrirais-tu pas tout ça ? ». J’ai donc sorti l’arme du combattant, ma plume, et un témoignage a suivi, au fil du temps. Grâce à l’écriture et à ma formation, j’ai pu parvenir à un équilibre entre la passion et la raison, en vivant l’autisme de notre fille, un jour à la fois.

jeudi 17 septembre 2009

Un coup de klaxon de trop


Ce matin, comme tous les matins de la semaine, nous accompagnons nos trois jeunes enfants à l’arrêt d’autobus qui se trouve juste devant notre maison. Puisque nous habitons sur un boulevard très achalandé durant les heures de pointe, il arrive, bien souvent, qu’une filée de voiture soit immobilisée pendant au moins deux minutes, le temps que nos petits de 4, 5 et 7 ans, montent et s’attachent. Pour ceux et celles qui ne le savent pas encore, certains autobus sont équipés de ceintures de sécurité pour les enfants. Combien de temps cela prend-t-il, selon vous, pour vous attacher et attacher vos enfants le matin ou le soir ? Faites le calcul, vous verrez que cela prend un certain temps, surtout lorsque les enfants bougent et ne veulent pas s’asseoir. Ce ne sont pas des objets que l’on pose sur un banc d’autobus ! Alors, je disais donc que ce matin, le conducteur d’une voiture s’est mis à klaxonner d’impatience à plusieurs reprises, pendant que notre chauffeuse si dévouée et patiente tentait d’attacher nos enfants surexcités de partir vers l’école. En entendant le klaxon et en constatant l’agressivité de ce conducteur à l’égard de l’autobus, j’ai eu de la difficulté à contenir ma colère et ma peine. Mon mari et moi nous sommes regardés simplement, surpris et ahuris de voir que des êtres soit disant civilisés puissent avoir une telle réaction. Par contre, si je pouvais parler à cette personne, voilà ce que je lui dirais. Étant donné le nombre trop élevé de véhicules qui serpentent nos rues, nos ponts et nous empestent les poumons, il existe une solution bien simple, mon cher Monsieur : le transport en commun. Ce mot ne vous dit rien ? Pourtant, vous passeriez moins de temps à pester lors de vos déplacements contre tout parce que les routes contiennent trop de panneaux de signalisation, parce qu’il y a des travaux partout et parce que des enfants montent dans un autobus scolaire. En tous les cas, une chose est certaine, votre tension artérielle s’en porterait sans doute beaucoup mieux.

jeudi 10 septembre 2009

L'Histoire est notre meilleur professeur






Le texte d’André Pratte « Le vrai manifeste du FLQ » a fait resurgir en moi une multitude de sentiments et de souvenirs. Non, pas le genre de souvenirs auxquels on pourrait penser. Je n’ai que trente-et-un an et je n’étais même pas née quand La Crise d’Octobre a eu lieu. Par contre, en raison de nos origines tristement balafrées par l’Histoire, j’ai toujours reçu, à la maison, un enseignement qui nous portait à chercher et à comprendre les sources de la haine, aussi difficile que cela puisse paraître. L’Histoire nous façonne et on ne peut s’en dissocier. Alors, parlons-en, dans ce cas, mais ne cherchons pas à la rendre plus belle, plus laide ou à l’excuser. Comme le dit si bien André Pratte, parfois il vaut mieux « montrer cette violence dans toute sa brutalité, dans toute sa froideur ». La mort de Pierre Laporte, assassiné à l’âge de 49 neuf par une cellule du FLQ, le 17 octobre 1970, suscite un profond malaise, ce dernier étant nécessaire, car il nous force à réfléchir sur les conséquences d’avoir posé de tels gestes. Quel message voulons-nous que nos jeunes retiennent ? Maintenant que l’on se trouve dans une impasse à savoir quelle image donner aux événements d’Octobre 1970, quel manifeste lire au Moulin à paroles, le vrai, le plus beau, le plus cru, le moins choquant … cela fait en sorte que l’on perd l’essence même à l’origine de ce projet qui se veut, si je ne me trompe pas, rassembleur. En apprenant de quelle façon mon grand-père, né à la même époque que Pierre Laporte, avait été assassiné dans un camp de concentration nazi en février 1945, malgré le sentiment d’injustice, d’incompréhension, de dégoût, j’ai décidé d’enseigner cette période de notre Histoire à mes étudiants pour que l’on n’oublie jamais d’où proviennent les sources de la haine. Je veux croire au fait que nous, parents, professeurs, journalistes, et bien d’autres, avons entre nos mains la possibilité d’expliquer aux plus jeunes, notre relève, les fondements à l’origine de notre société d’aujourd’hui pour pouvoir leur inculquer une conscience « historique ». Aldous Huxley disait d’ailleurs que « le fait que les hommes tirent peu de profit des leçons de l'Histoire est la leçon la plus importante que l'Histoire nous enseigne. ».

mercredi 2 septembre 2009

Le parfait bonheur


« Avez-vous déjà eu l’impression que votre vie filait le parfait bonheur » ? Cette question est celle qu’un jour, du haut de mes douze ans, j’ai écrite, sur un petit bout de papier déchiré, provenant d’une feuille lignée d’un de mes cahiers d’école, petit bout de papier froissé que mes parents gardent encore bien précieusement sur le frigidaire depuis bientôt vingt ans. Au-dessus de cette simple question se trouve une photo de moi à cet âge où je me trouvais au septième ciel, tenant dans mes bras Chinook, mon Yorkshire, que j’étais allée choisir avec mon père peu de temps auparavant. Devant moi une énorme brioche emplit mon assiette, brioche que le petit chien, du coin de l’œil, tente, tant bien que mal, de lécher sans que je m’en aperçoive, du moins, semble-t-il le croire, pendant que je souris à l’objectif qui va immortaliser cet instant de pur bonheur pour longtemps encore. À douze ans, je ne vivais que le moment présent, pas encore submergée par mes dix mille obligations du moment. Tous les vendredis soirs, après avoir repassé mes leçons d’écologie, j’accompagnais mon père à Montréal parce que nous allions chercher mon grand frère de dix-huit ans qui suivait des cours de sauveteurs avec ses amis. Les années ont passé et j’ai grandi, comme bien des adolescents, à la recherche de cette sensation qui nous permet de sentir que « sky is the limit ». Un jour, j’ai eu dix-sept ans. C’était à St-Bruno, avec mes copains du collège, que nous passions nos vendredis soirs à dépenser, chez Nonna, les dix dollars que nous avions amassés en faisant le ménage de nos chambres. On mangeait de la poutine, puis buvions un café, parfois arrosé d’une ou deux bières en soirée, peut-être plus, qu’un ami de dix-huit ans allait nous chercher. Nos parents nous faisaient confiance et se disaient peut-être que « moins on en sait, mieux on se porte ». Mais avaient-ils raison ? Et que pouvaient-ils faire d’autre ? Aujourd’hui, mère de trois jeunes enfants, je suis atterrée par la mort de Gabrielle Dionne qui, à dix-huit ans seulement, a laissé sa vie en défiant le destin, en recherchant des sensations fortes, car se croyant sûrement immortelle… À dix-sept, dix-huit ans, on se sent tous pareils. Pas besoin de vous faire un dessin ni d’écrire une autre belle petite phrase. Chercher dans votre mémoire. Cette époque n’est pas bien loin, celle que l’on se remémore en se disant « mon Dieu qu’on était fou ». Le problème, c’est qu’en courant après le parfait bonheur, sans le vouloir, Gabrielle et bien des jeunes ont semé, autour d’eux, en s’envolant, le vrai malheur.