mercredi 2 septembre 2009

Le parfait bonheur


« Avez-vous déjà eu l’impression que votre vie filait le parfait bonheur » ? Cette question est celle qu’un jour, du haut de mes douze ans, j’ai écrite, sur un petit bout de papier déchiré, provenant d’une feuille lignée d’un de mes cahiers d’école, petit bout de papier froissé que mes parents gardent encore bien précieusement sur le frigidaire depuis bientôt vingt ans. Au-dessus de cette simple question se trouve une photo de moi à cet âge où je me trouvais au septième ciel, tenant dans mes bras Chinook, mon Yorkshire, que j’étais allée choisir avec mon père peu de temps auparavant. Devant moi une énorme brioche emplit mon assiette, brioche que le petit chien, du coin de l’œil, tente, tant bien que mal, de lécher sans que je m’en aperçoive, du moins, semble-t-il le croire, pendant que je souris à l’objectif qui va immortaliser cet instant de pur bonheur pour longtemps encore. À douze ans, je ne vivais que le moment présent, pas encore submergée par mes dix mille obligations du moment. Tous les vendredis soirs, après avoir repassé mes leçons d’écologie, j’accompagnais mon père à Montréal parce que nous allions chercher mon grand frère de dix-huit ans qui suivait des cours de sauveteurs avec ses amis. Les années ont passé et j’ai grandi, comme bien des adolescents, à la recherche de cette sensation qui nous permet de sentir que « sky is the limit ». Un jour, j’ai eu dix-sept ans. C’était à St-Bruno, avec mes copains du collège, que nous passions nos vendredis soirs à dépenser, chez Nonna, les dix dollars que nous avions amassés en faisant le ménage de nos chambres. On mangeait de la poutine, puis buvions un café, parfois arrosé d’une ou deux bières en soirée, peut-être plus, qu’un ami de dix-huit ans allait nous chercher. Nos parents nous faisaient confiance et se disaient peut-être que « moins on en sait, mieux on se porte ». Mais avaient-ils raison ? Et que pouvaient-ils faire d’autre ? Aujourd’hui, mère de trois jeunes enfants, je suis atterrée par la mort de Gabrielle Dionne qui, à dix-huit ans seulement, a laissé sa vie en défiant le destin, en recherchant des sensations fortes, car se croyant sûrement immortelle… À dix-sept, dix-huit ans, on se sent tous pareils. Pas besoin de vous faire un dessin ni d’écrire une autre belle petite phrase. Chercher dans votre mémoire. Cette époque n’est pas bien loin, celle que l’on se remémore en se disant « mon Dieu qu’on était fou ». Le problème, c’est qu’en courant après le parfait bonheur, sans le vouloir, Gabrielle et bien des jeunes ont semé, autour d’eux, en s’envolant, le vrai malheur.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire