vendredi 18 septembre 2009

Quand le parent devient l'intervenant de son enfant




Au cours de notre carrière, il arrive bien souvent que l’on doive se réorienter, histoire de changer de secteur, de relever de nouveaux défis ou, comme c’est le cas actuellement, en raison de la précarité de la situation économique. Parfois, c’est le destin qui en décide autrement.



En 2002, juste avant de remettre mon mémoire de maîtrise à l’Université Queen’s de Kingston, il ne restait que quelques semaines avant l’arrivée de mon premier enfant à naître. Devant moi, une nouvelle vie se dessinait et je savais déjà que j’allais reprendre mes études peu après la naissance du bébé pour poursuivre mon doctorat à Montréal, mon projet de thèse ayant été accepté. Le parcours de mon existence ne pouvait être plus clair. Pourtant, à 27 ans, j’ai vite appris ce qu’était l’école de la vie et la désillusion qui y est associée : nous apprenions brutalement que notre fille aînée était atteinte d’une forme d’autisme atypique. C’est alors que toutes mes connaissances, mon savoir, accumulés pendant toutes ces années d’études passionnées, s’étalaient devant moi sans pouvoir m’être d’aucun secours. J’étais diplômée en littérature française et je devais venir en aide à un enfant ayant un trouble neurocomportemental permanent. La terminologie associée à l’autisme et aux troubles envahissants du développement me semblait s’apparenter à une autre langue, tellement je ne comprenais rien à tout ce charabia. On dit bien que le changement crée souvent une forme de résistance, car il demande à ce que l’on s’adapte à un nouvel environnement, à une nouvelle forme de pensée. En plus de devoir comprendre en quoi consistait le trouble de notre fille, je devais être son intervenante 24 heures sur 24, la nuit comme le jour, en raison des troubles d’insomnie liés à l’autisme. Je devenais responsable de diriger une équipe multidisciplinaire de spécialistes de toutes sortes puisque les enfants TED (atteints d’un trouble envahissant du développement) restent sur des listes d’attente trop longues avant que le système de santé puisse les prendre en charge, ce qui peut nuire grandement au processus les menant vers une certaine autonomie. De fait, le cerveau reste plastique, se façonne jusqu’à l’âge de 5 ans, ce qui nous donnait à peine 2 ans et demi pour stimuler notre enfant le plus possible avec l’aide d’intervenants issus du privé (ergothérapeute, psychologue, orthophoniste, physiothérapeute, éducateur spécialisé, nutritionniste, etc.) et de centres hospitaliers (pédopsychiatre, neuropédiatre, physiatre, pédiatre, pneumologue, othorinolaryngologiste, gastro-entérologue, etc.) en raison des troubles moteurs associés à l’atteinte neurologique de notre fille qui est hypotonique (sans tonus musculaire), en plus d’avoir une lésion cérébrale nommée « leucomalacie périventriculaire », celle-ci se situant dans la substance blanche périventriculaire du cerveau. Nous devions nous-mêmes faire face à une forme de deuil et affronter l'adversité sans comprendre tout à fait ce qui nous arrivait. L’acceptation ne se fait pas du jour au lendemain. Je devais veiller à ce que notre fille fasse tous ses exercices de stimulation en choisissant une méthode d’intervention comportementale intensive avec méfiance et prudence (de 20 heures à 40 heures par semaine), la mener à tous ses rendez-vous, gérer les moments de crises de panique, les cris et les hurlements, l’incompréhension de ses frère et sœur, le manque de sommeil qui nous brûlait, mais surtout la frustration liée au manque de services adaptés à cette clientèle si complexe. Je souffrais donc d’une grande solitude.



Pendant deux ans, j’ai mis ma carrière de côté et je ne regretterai jamais ce passage obligé de mon existence de parent-intervenant. J’ai tellement appris, rencontré des êtres formidables et dévoués, mais surtout compris que la polyvalence fait maintenant partie intégrante de ma carrière. Un jour, alors que j’étais à un degré de découragement assez élevé, mon père me dit simplement : « Catherine, toi qui aimes tant écrire, pourquoi n’écrirais-tu pas tout ça ? ». J’ai donc sorti l’arme du combattant, ma plume, et un témoignage a suivi, au fil du temps. Grâce à l’écriture et à ma formation, j’ai pu parvenir à un équilibre entre la passion et la raison, en vivant l’autisme de notre fille, un jour à la fois.

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